lundi 24 septembre 2012

Mescladis, José Roux - chronique CD

Cette autre production de l’AEPEM1 (Association d'étude, de promotion et d'enseignement des musiques traditionnelles des pays de France) montre la diversité des produits qu’elle propose : même si, comme celui de Jean Perrier, il s’agit de consacrer un album à un musicien à la lourde expérience, celui-ci diffère sensiblement de l’autre. Certes, José Roux, lui, est bien vivant, et a pu gérer le contenu de Mescladis du début à la fin… mais on n’aura pas l’idée de les comparer pour une telle raison ! Avec Perrier, ce sont les témoignages intacts d’une musique de bal. Ici, c’est un album un peu pédagogique, un florilège d’airs livrés pour la transmission, une leçon d’interprétation.
En premier lieu, on n’a pas le boîtier habituel, mais le petit livret que l’on trouve parfois, le CD venant se glisser dans le digisleeve collé en page 3 de couverture. José Roux nous y propose un texte expliquant son parcours : sa mère née dans les environs de Saint-Flour, son père dans ceux de Figeac, sa rencontre dans ses jeunes années avec les deux cabretaïres qu’il a pu croiser dans le Lot où il habitait, deux Aveyronnais de Paris, amis de Martin Cayla, et retirés en Quercy. José est de ceux qui ont conforté la présence de la cabrette en cette région limitrophe, et il semble profiter de sa double origine pour faire sonner ces airs dont la teneur a évolué (par rapport à ceux d’Auvergne, ndlr) et qui se prêtent relativement bien au jeu de la cabrette. Quant aux vingt-sept autres pages du livret, elles sont simplement consacrées à la notation des trente-neuf airs qui composent l’album. On y trouve aussi les paroles des vingt-huit pièces qui sont à l’origine des chansons, dansables pour une bonne partie. Le cabretaïre a également pris le parti de jouer en compagnie d’amis dans ce CD plaisir, comme il l’intitule lui-même. On trouve donc çà et là, toujours à l’intérieur du livret, les photos des uns et des autres, dans un graphisme noir et blanc qu’on aura le droit de ne pas apprécier follement… Roux s’est entouré de jeunes : Paul Grollier à l’accordéon diatonique, Philippe Parant au banjo et Lucien Pillot à la vielle. Si les deux premiers s’assortissent de la manière la plus conforme à un petit ensemble où la cabrette est reine (et on apprécie le sens rythmique très complémentaire des deux compères), la vielle ajoute une dimension un peu inaccoutumée par rapport au son que l’on connaît : l’instrument, au chien plutôt discret, a une sonorité chaude et pleine certes, mais qui confère au groupe une couleur presque « orchestrale », pas réellement désagréable, mais qui a tendance, à mon goût, à alourdir l’impression générale. Serait-ce parce que, selon notre maître sonneur, ces bourrées des plaines venant peut-être des pays hauts, (…) se sont parfois assagies au rythme de l’eau, et (…) sont sûrement un peu moins vives que les bourrées d’Auvergne ? En tout cas, la musique de danse reste malgré tout bien entraînante. On a droit à de courtes plages, comprises entre une et deux minutes trente dans les cas extrêmes, dans une instrumentation simple. La cabrette sonne à merveille, munie ou non de sa chanterelle. On se demande d’ailleurs pourquoi on l’a presque toujours bouché depuis un siècle, ce joli petit bourdon : il ne pose aucun problème d’accord avec les autres instruments et il reste stable, même dans l’emploi de notes hautes… Les airs, joués sans enchaînement à d’autres, sont répétés deux ou trois fois, c’est peu, mais on apprécie déjà le merveilleux talent de José Roux pour improviser les variantes. Chaque plage débute par un prélude assuré par l’un ou l’autre des instruments, et ces quelques secondes d’introduction sont déjà un délice – même si à une ou deux reprises, certains accords laissent à désirer. Bourrées, valses, scottishes, polkas et mazurkas constituent ce répertoire, entrecoupé par huit fois de superbes regrets (ou chansons, ou même berceuses) joués bien sûr par la cabrette seule, et sensiblement plus longs que les danses. Du grand art. Roux nous rappelle qu’il est le grand spécialiste de ce répertoire difficile, dans lequel éclatent sa sensibilité et son invention, tant mélodique qu’ornementale. Il suffit de regarder dans le livret la notation extrêmement simplifiée de ces airs, et d’écouter conjointement ce qu’en fait José Roux : un tel abîme fera comprendre si besoin était ce que peuvent rajouter l’instinct et l’oralité face à un support écrit !

Jean-Christophe Maillard


Mescladis
José Roux
AEPEM, 2012

Pour en savoir plus :