jeudi 27 février 2014

Quand les violons dansent et que les ornements dialoguent, cela inspire Philippe Sahuc qui nous fait partager ses inspirations poético-linguistiques. Côté chronique, Luc Charles-Dominique se livre à une présentation croisée de deux publications autour de chanteurs corréziens et de chansons des pays de l'Ardèche ; Éline Rivière propose son analyse de La Trotteuse, le premier album des Poufs à cordes. Enfin, la rubrique « Retour sur...» s’enrichit et vous propose de découvrir, ou de redécouvrir, le dossier Le chant dans les Landes, écrit par Jacques Baudoin pour le Pastel 66.

Bonne lecture !



Lo Saüc - chronique bilingue

par Philippe Sahuc

Vin o lop ?
Embriaguesa o feror ? Per lo saber, cal tornar amb la memòria alas (!) jornadas del patrimoni, al còr del COMDT, en setembre passat…
Ausissèm un son que sembla una trena de perfeccion. Es un genre de voluta (la fantasiá de violon se sarra) que nos podèm figurar pujar fins al cèl (pasmens pas un cello). Pujar ? Benlèu mai s'envolar… s'enviolonar !
Mès vesèm tanben dus còses provesits d'instruments, que l'un vira, l'autre se ten pès tancats, l'un tòca l'autre, l'autre desfugís l'un…
Nos podèm demandar se n'i a sèti per dus, se l'un va pas passar per l'autre, se l'autre va pas engolir l'un. Tenèm benlèu aici lo resson de l'idèa de partiment, benlèu de paratge. Mès benlèu tanben de la concurréncia, a mossegada aguda mès, calfada, que se pòt far fusion…
Oc pé, lo vesèm ! e vesèm tanben l'esperit del son que non se fa solament amb las partidas actantas del còs, aquelas que fixan e manejan l'instrument, mès amb lo còs entièr, que comprenèm que n'i a pas mai de termièra entre musica e dança. Per violons e violonaires, tot se fa amb lo còs-còrda e tanben : l'arma.

Vie au long ?
Ivresse ou fureur ? Pour trancher, il faut revenir par la mémoire à elles, (ailes ?) les journées du patrimoine, au cœur du COMDT, en septembre dernier…
Nous y entendons une musique qui paraît une tresse parfaite. C'est un genre de volute (le concept de violon s'approche) que nous pouvons nous imaginer grimper jusqu'au ciel (pourtant pas un cello). Grimper ? Peut-être plutôt s'envoler… s'envioloner !
Mais nous y voyons aussi deux corps munis d'instruments, dont l'un tourne, l'autre se tient pieds joints, l'un touche l'autre, l'autre évite l'un…
On peut se demander s'il y a bien de la place pour deux, si l'un ne va pas traverser l'autre, si l'autre ne va pas avaler l'un. On saisit peut-être ainsi l'écho de l'idée de partage, de parité peut-être. Mais aussi de celle de concurrence, a coups de dents aigus mais, une fois chauffée, qui peut atteindre le point de fusion…
Eh oui, on le voit ! et on voit aussi l'esprit de la musique qui ne se fait pas seulement avec les parties agissantes du corps, celles qui tiennent et manipulent l'instrument, mais avec le corps entier, au point que nous comprenons qu'il n'y a plus de frontière entre musique et danse. Pour les violons et les violoneux, tout se fait avec le corps-corde et aussi : l'âme.

Henri et Marie Rouland, chanteurs corréziens et Apprends-moi ton langage, Chansons des pays de l’Ardèche - chroniques

Livret Chants de l'Ardèche
À la fin des années 1970 et dans le courant de la décennie 1980, fut entreprise en France une collecte de grande ampleur auprès des détenteurs de la mémoire musicale et chorégraphique orale, témoins appartenant à la génération 1900 ou, pour les plus jeunes, à la génération suivante (1920-1930). Ces collectes qui, schématiquement, constituèrent la troisième grande vague de recueil de la tradition musicale orale française (après la romantique et celle de l’ethnomusicologie institutionnelle et muséale), permirent de constituer une immense mémoire sonore et visuelle, aujourd’hui conservée essentiellement dans les associations de musiques et danses traditionnelles ou dans quelques structures institutionnelles de conservation de la mémoire. Une autre de leur particularité fut d’avoir été menées en grande partie par des gens qui n’avaient pas de formation particulière en ethnomusicologie et puisaient leur motivation dans des considérations fonctionnelles et utilitaristes : alimenter et renouveler le répertoire des groupes dans lesquels ils jouaient, compléter les seules sources auxquelles ils avaient alors accès, à savoir les anthologies de chants populaires publiées à l’époque romantique et post-romantique. Christian Oller, au cœur de ces deux publications, musicien du fameux et emblématique groupe Le Grand Rouge (Pierre Imbert, Éric Montbel, Olivier Durif et Christian Oller), explique dans le livret de l’album Henri et Marie Rouland, chanteurs corréziens, qu’ « au départ, il s’agissait principalement de collecter des airs originaux pour abonder le répertoire de notre groupe. La démarche fut donc d’aller voir ce qui pouvait subsister en la matière : c’est avec de sages résolutions et – il faut bien le dire – peu de connaissances que nous sommes partis sur ce terrain, sans aucune intention identitaire, régionaliste ou folklorique ».

La Trotteuse, Les Poufs à cordes - chronique CD

Le Sauvage et le Subtil 


Le premier CD des Poufs à Cordes (Clémence Cognet, Noëlie Nioulou) intitulé La Trotteuse nous prend dans une mécanique bien rôdée pour la danse et les oreilles.
Les deux musiciennes nous embarquent pour une traversée musicale qui voyage dans les entrailles du temps, en passant par J.S. Bach jusqu’à aujourd’hui, avec des compositions récentes. Le socle de ce voyage musical est la musique traditionnelle d’Auvergne et du Limousin, qui puise dans les sources, faisant émerger des noms comme Peyrat, Mouret, Perrier, puis Durif et Michel Nioulou. Le ton de cet ancrage au territoire est donné d’emblée par l’allure d’un digipack aux suggestions volcaniques d’une Auvergne qui ne dort pas et par la présence importante du jeu de pieds, enregistré très finement par Aurélien Tanghe, musicien hors pair et magicien du son.

Retour sur... le dossier Le chant dans les Landes

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in Pastel 66 2e semestre 2010

par Jacques Baudoin