lundi 24 septembre 2012

Chansons et musiques traditionnelles du bocage normand - chronique CD

Le quatrième volume de la collection Sources publiée par l’association La Loure est consacré aux chansons et musiques traditionnelles du sud du bocage ornais, un territoire de massifs boisés et de landes où se situent les communes de La-Ferté-Macé, Domfront, Bagnoles-l’Orme, au cœur du Parc naturel régional Normandie-Maine. L’histoire des collectes réalisées sur ce Domfrontais et Pays Fertois ressemble de près aux autres constitutions de collections sonores dans les régions de France. Dès le début des années 1960, des ethnomusicologues sont venus collecter les chants de ces habitants, bien avant la découverte du bocage normand par l’ethnologue Jeanne Favret-Saada, qui l’arpentera dans les années 1970. Monique Brandily et Donatien Laurent, respectivement en 1962 et 1963, ont ainsi recueilli une série de chants à la demande du Musée national des arts et traditions populaires (aujourd’hui le MuCEM) qui les a conservés jusqu’à nos jours. Dans les années 1970, des groupes folkloriques, à la recherche de nouveaux airs et de précisions sur les pas de danse, vont aussi s’intéresser aux interprètes. C’est ainsi que Michel Poussier, du groupe Le Trou Normand de Domfront, enregistrera le répertoire du musicien André Grossot à Saint-Siméon en 1974. Le disque est l’occasion de découvrir ce violoniste qui savait animer les bals de son rythme redoutable (plages 5, 25 et 32, 1974 et plage 19, 1979). Ce sera ensuite l’Office départemental de la culture de l’Orne, à l’initiative du sociologue Georges Bertin, qui va demander à deux musiciens, François Redhon et Michel Colleu, d’engager un travail de collecte sur ce territoire. Ceux-ci retrouveront d’ailleurs des interprètes repérés par le MNATP comme Ernest Bourré (plage 1, 1962 et plage 36, 1979). Il faut attendre la fin des années 1990 pour que La Loure reprenne le flambeau. L’auditeur est d’ailleurs étonné de la continuité que l’on perçoit dans la qualité des chanteurs comme dans celle du répertoire, et cela même dans des collectes de cette année (2012) : écoutez Denise Rivière (plage 8 C’était la fille d’un geôlier) ou Cécile Mansalier (plage 22 De l’île des Bourbons). Un des intérêt du disque est aussi de laisser percevoir l’évolution des méthodes d’enquêtes qui, au fil des ans, se font plus sensibles au contexte, cherchant à mieux comprendre la façon dont se transmet la musique, comment s’invente un nouveau morceau ou dans quelles circonstances est interprété le chant. Un refrain traverse d’ailleurs le disque et l’histoire de la collecte : J’avons la gerbe du blé, chanté par Ernest Bourré, enregistré à Saint-Roch-sur-Egrenne en 1962 (plage 1 et plage 38), repris par un des chanteurs traditionnels enregistrés au XXIe siècle à Saint-Fraimbault, et qui raconte le temps de la moisson et de son chant… (plage 14, Georges Sexis, 2001). Comme pour tous les titres de la collection Sources, une introduction documente et contextualise avec précision les enregistrements auxquels s’ajoute une carte localisant les airs collectés. Pour chacun d’eux, les paroles sont transcrites et les titres uniformes des catalogues Coirault et Laforte indiqués, lorsqu’ils ont pu être repérés. Le sud du bocage ornais se révèle ainsi comme une des régions proposant une des plus fortes concentrations de répertoire traditionnel sur cinquante années. Nous attendons avec impatience la suite de la mémoire du pays normand.

Véronique Ginouvés



Chansons et musiques traditionnelles du bocage normand
La loure, collection Sources, 2012

Pour en savoir plus :

http://laloure.org

Ce billet a
également été publié sur http://phonotheque.hypotheses.org/