propos recueillis par Dominique Regef
Guillaume Lopez - Celui qui marche |
Quelle a été ta porte d'entrée dans
la musique ?
À partir de l'âge de huit ans et
pendant une douzaine d'années, j'ai étudié la musique classique à l'Ecole de
Musique de Tournefeuille, en solfège et saxophone. J'ai appris la respiration,
la technique, la lecture, quelques notions d'harmonie. Après j'ai découvert les
musiques traditionnelles, un peu par hasard : j'ai la chance d'avoir dans ma
famille Xavier Vidal, musicien, collecteur et formateur, qui est mon oncle.
Depuis que je suis petit, à chaque repas de famille, on sort des instruments et
on joue. Un jour, Xavier a joué du fifre : le coup de
cœur ! J'avais
treize ou quatorze ans. Il m'a alors offert mon premier instrument. Le
déclencheur le plus déterminant a été, lors de mon passage en première
littéraire au lycée, quand on m'a donné le choix, en matière optionnelle, entre
mathématiques et occitan. C'est sur le conseil de ma professeur de
mathématiques que j'ai opté pour l'occitan, une langue que je ne connaissais
pas du tout, et que j'ai découverte assez facilement du fait que j'avais
l'espagnol dans l'oreille puisque mes quatre grand-parents le parlent. Ma professeur
d'occitan, Anne-Marie Parpet, donnait des cours englobant la langue, la
littérature, la musique, la culture régionale... des choses que je n'avais
jamais imaginées auparavant. J'ai eu une excellente note au bac, et j'ai
continué à la fac en espagnol-occitan, où j'ai rencontré des gens qui parlaient
occitan couramment depuis la tendre enfance. Dès la première année, nous avons
monté un groupe de bal qui s'appelait Los d'enloc, c'est-à-dire "ceux de
nulle part".
Pourquoi cette idée de nom ?
Il y avait déjà beaucoup de groupes qui se
repéraient géographiquement dans le territoire occitan. Avec "ceux de
nulle part," on était partout chez nous ! Nous étions cinq amis qui
parlions occitan ou qui connaissions les musiques occitanes, et nous avons très
vite donné des concerts. C'était pour moi la première fois que je faisais une
musique qui me semblait utile, en fait. J'adorais la musique classique, mais on
est assis derrière son pupitre, on joue pour des gens assis... Là, je
découvrais une musique que l'on joue pour que les gens s'amusent et fassent la
fête, c'est ce qui m'a séduit.
C'est une musique qui se vit et appelle la rencontre...
C'est ce qui m'a poussé à continuer dans cette
voie. J'ai arrêté la fac d'espagnol-occitan à la fin de cette première année,
et je suis parti en musicologie, parce que j'avais décidé d'être musicien. J'ai
donc passé le concours d'entrée pour faire le Deug A, et je me suis rendu
compte que je m'étais trompé, que c'était une usine à professeurs de solfège, à
professeurs de musique. Ce n'était pas du tout ce que je voulais faire ! Après
quelques mois, j'ai arrêté la fac et je suis parti à Cahors, où j'ai été
embauché par l'AMTP Quercy (Association pour les musiques de tradition populaire
en Quercy), qui était présidée à l'époque par Xavier Vidal. Pendant un an, j'ai
fait de l'action culturelle autour des musiques traditionnelles avec lui. Nous
faisions tourner les groupes de l'AMTP Quercy en essayant de trouver des
rapprochements entre les spécificités des lieux et de la musique, entre les
fêtes calendaires et les groupes, etc... C'est à cette époque que je me suis
rapproché de Cyrille Brotto, collègue de Xavier Vidal et professeur d'accordéon
diatonique dans les écoles de musique du Lot, et que nous avons monté le duo
Brotto-Lopez. Puis j'ai souhaité regagner Toulouse où j'ai été embauché en 2003
par Christian Grenet, directeur alors de la Mounède, salle dédiée aux musiques
du monde. Pendant un an et demi, j'ai été chargé d'action culturelle dans le
quartier du Mirail, tout en m'occupant de la programmation de la salle avec le
directeur. J'ai découvert le montage des dossiers de subventions, la régie,
l'accueil des artistes, etc. À cette époque-là, la Mounède était un lieu assez
prestigieux, et il y avait les budgets pour accueillir des groupes réputés.
Christian Grenet étant également directeur de l'Estivada de Rodez, festival de
musiques occitanes, j'ai également participé à sa programmation.
Un peu frustrant quand on se sent l'âme d'un
musicien, non ?
Justement, je me suis dit : "Lance-toi
dans la musique pour de vrai !" J'ai donc quitté la Mounède avec cette
envie. À l'époque, j'étais un militant de la langue
occitane et de ces musiques-là, avec déjà en vue une ouverture vers
les musiques du monde, et surtout les musiques autour de la Méditerranée. J'ai
travaillé aussi avec Alem Surre-Garcia, écrivain occitan, qui m'a ouvert les
yeux sur les rapprochements historico-culturels entre l'Espagne, le Maghreb et
les pays d'oc. Ce territoire m'intéresse de
par mes origines, de par mes goûts musicaux. Je me suis ainsi rendu compte
que dans mon cœur et dans ma vie, le français,
l'occitan, l'espagnol, et aussi le catalan puisque j'ai un grand-père catalan,
avaient la même importance. J'ai beaucoup travaillé sur les musiques occitanes,
et je continue. Je me mets de plus en plus à la musique espagnole, et avec
Thierry Roques, accordéoniste du groupe Sòmi de Granadas que nous avons fondé,
nous faisons des emprunts à la musique du Maghreb. J'ai travaillé aussi avec le
groupe Mosaïca, dans cette logique de mélange entre Occitanie et Maghreb. Après
j'ai continué à monter mes projets, mes groupes, et je constate que je
suis entouré de gens qui me confortent dans cette unité espagnolo-occitane. Je
travaille beaucoup avec le chanteur Eric Fraj depuis
dix ans, et il m'apporte dans ce territoire-là le côté littéraire et culturel,
puisqu'il a la même histoire que moi. C'est le cas aussi de Claude Marti, également chanteur. Je me suis entouré de ces gens
de l'émigration espagnole qui travaillent aussi sur les musiques occitanes.
C'est l'Histoire qui a provoqué tellement de rencontres, de mélanges, de
métissages.
Tu quittes donc la Mounède et tu deviens
musicien professionnel. Le duo Brotto-Lopez était déjà bien lancé ?
En 2001, Anne-Marie Parpet, qui me suivait un
petit peu, m'a dit qu'elle organisait un grand regroupement d'étudiants en
occitan de Midi-Pyrénées, avec un concert à faire à la salle Nougaro pour les
jeunes : "Monte-moi un groupe un peu pêchu !". C'est ainsi qu'est né Mesclamis,
un mélange de trad-rock, dans lequel jouait également Cyrille Brotto. Le
groupe a tourné un peu, mais comme c'était compliqué, nous avons continué à
deux. Nous avons fait notre premier concert en mai 2002. Dès le départ nous
avons fait un mélange entre répertoire traditionnel et composition, et depuis
nous avons beaucoup tourné en France, dans les pays d'oc bien sûr, et aussi à
l'étranger. Nous allons régulièrement en Belgique, et avons quelques contacts
en Espagne et en Italie. Nous avons développé ce côté festif que recherchent
les gens qui viennent danser, en désacralisant la musique de bal, parfois jouée
de façon très sérieuse. Nous sommes spécialistes de la danse et du répertoire
du Quercy et de la Gascogne, mais Cyrille étant un musicien qui a fait beaucoup
de jazz, il est inattaquable rythmiquement sur la danse, ce qui me laisse
beaucoup de liberté dans l'expression.
Tu vis la tradition comme un mode évolutif...
Ah complètement ! Certains râlent, prétendant
qu'on se moque du répertoire, ce que je ne vois pas ainsi. Au milieu d'une
scottish on va "dégoupiller" et mettre la macarena, par
exemple ; au milieu d'une ronde du Quercy - j'aime faire chanter les gens, car
le chant à répondre doit se perpétuer - on va chanter de la variété française
:"Ne la laisse pas tomber, elle est si fragile"... Nous sommes
vraiment dans un esprit de fête, le bal doit être joyeux et actuel, un lieu
d'échanges, passe-temps et passe-frontières.
Tu écris de la musique ?
Oui, pas au sens de l'écriture directe sur des
portées mais à partir du travail de mes instruments, et lorsque des suites de
notes me plaisent, j'en fais un morceau. Je pense que nous sommes beaucoup à
travailler comme cela.
Ta formation classique te sert-elle, et dans
quelle mesure cette rencontre du classique et du traditionnel te nourrit-elle ?
Personnellement, je trouve que tous les outils
sont un bonus. Même si on fait de la musique de tradition orale, le fait
d'avoir appris à jouer au métronome, de savoir déchiffrer une partition quand
on est en répétition, c'est utile. Mais lorsque j'anime des stages de chant, je
ne donne pas de partitions, cela se passe par imitation. En tant que musicien,
c'est précieux d'avoir eu un apprentissage très classique, carré, sérieux ; il
y a dans le classique cette dimension de labeur qui me sert encore aujourd'hui.
Tu ne vois donc pas de contradiction entre
l'approche savante et l'approche populaire ?
Pour moi non, ce sont des outils qui servent.
Je préfère dire modestement que je suis musicien, plutôt que musicien
traditionnel. Avoir plusieurs outils, c'est comme avoir plusieurs langues. Je
choisis celui qui me convient selon les contextes.
Qu'y-a-t-il dans le prochain CD Brotto-Lopez ?
Guillaume Lopez et Cyrille Brotto |
Ce disque me fait très plaisir, car le dernier
est sorti en 2006 et, à la réécoute, nous semble très "vieux" par
rapport à ce que nous faisons maintenant. À notre dernier bal, on nous a dit :
"C'est un show !", ce qui nous plaît ! On y trouve tout notre
répertoire de bal actuel, avec deux inédits, et une dizaine d'invités. Sur les
créations, nous avons trouvé un système qui fonctionne très bien : Cyrille
écrit les musiques, et moi les paroles.
Quel genre de textes ?
Ce que j'aime dans l'écriture de la langue
d'oc, c'est son caractère très sonore. Pour le bal, je me régale à chercher des
sonorités qui vont bien avec la musique, les accents toniques qui vont sur les
temps forts, etc. C'est écrit pour la danse, sur des thématiques liées à la
fête, pas pour un tour de chant.
Avec Thierry Roques dans Sòmi de Granadas, en
quoi l'approche est-elle différente ?
Il n'y a pas vraiment de répertoire
traditionnel. Il y a des sonorités : Thierry connaît très bien certaines
musiques du Maghreb, puisqu'il a accompagné Djamel Allam, Takfarinas... Il
possède le groove, les rythmiques, autant de styles et de couleurs à
explorer. Au début, les reprises étaient de mon point de vue des balbutiements
; c'était la première fois que je chantais en espagnol, ce qui était important
pour moi, car nous avons repris des chansons de l'époque de la guerre d'Espagne
qui m'ont été transmises par mes grand-pères. Depuis peu j'en ai fait un autre
spectacle, Las simples cosas. Sòmi de Granadas c'est vraiment une
rencontre : moi avec ma connaissance des musiques occitanes, mon envie de
chanter en espagnol, et Thierry Roques avec sa maîtrise des rythmiques
méditerranéennes. Depuis que Pierre Dayraud nous a rejoints à la batterie,
l'improvisation a pris une grande place. Notre slogan est désormais :
"Entre jazz ethnique et musiques des mondes".
Ce qui semble plus ouvert et moins formaté que
"musiques du monde", plus aventureux...
Il y a des morceaux très calés, et il y a une
part de folie. J'aime bien travailler avec des musiciens de différentes
générations, car on a tous des choses à s'apporter. À cinquante ans, des
"monstres" comme Thierry et Pierre m'ouvrent à des richesses
fabuleuses. Quand ils partent tous les deux dans des "tournes", on ne
sait pas où ça va, mais on essaye de suivre... c'est jouissif !
Un vrai chemin initiatique !
Celui qui marche |
Tu te considères comme un musicien nomade ?
Oui, mais avec toujours quelque chose qui me
relie à ce que j'aime et à ce que je sais faire. Si un jour on m'appelle pour
faire un groupe de musique bretonne ou irlandaise, je n'irai pas, il faut quand
même que ce soit dans un univers géographique et culturel que je connais. Comme
je fais très attention de ne chanter que dans les langues que je sais parler.
Tu as besoin de maîtriser autant que de lâcher
prise. En est-il de même pour la production ?
Absolument. En 2008 j'ai créé une association,
le Camom - Collectif artistique et musical Occitanie Méditerranée - pour
produire et diffuser mes spectacles, qui est devenue en 2012 une petite agence
artistique, avec des groupes qui entrent dans sa thématique. Nous en comptons
aujourd'hui une vingtaine sur le catalogue, avec deux salariés qui travaillent
sur la diffusion et la communication. Pour certains nous ne gérons que
l'administratif, pour d'autres nous essayons de les faire tourner.
Vous intervenez dans les régions occitanes,
bien sûr, mais avez-vous des contacts au-delà ?
Le but est justement d'aller beaucoup plus
loin. J'ai mon réseau personnel depuis quelques années dans le grand sud, mais les deux personnes que nous avons
embauchées sont là pour développer le plus largement possible notre réseau.
Logiquement le Camom fait aussi la
production des CD ?
Oui, c'est le cas du CD Brotto-Lopez, soutenu
par la Région Midi-Pyrénées, qui sort chez L'Autre Distribution le 18 juin
2012. Le 21 juin, jour de la Fête de la Musique, à partir de 20h, lors de la
soirée organisée par le Centre occitan des musiques et danses traditionnelles
au Jardin Raymond VI à Toulouse, nous fêterons sa sortie. Ce CD a été
enregistré à la maison avec du matériel de location par un ingénieur du son qui
assure la régie des spectacles du collectif.
Quel est ton rôle au Camom?
Je suis directeur artistique.
Il n'y a pas d'agence artistique sans projets.
Quels sont-ils ?
Il y a plusieurs secteurs dans l'agence :
concerts, bals, théâtre et musiques de rue.
Pour les concerts, en ce qui me concerne, outre Sòmi
de Granadas en trio, il y a Celui qui marche, un spectacle créé en 2011,
où j'avais envie de chanter des textes d'aujourd'hui pour sortir un peu du
répertoire traditionnel. J'ai demandé à des auteurs autour de moi, comme Eric Fraj,
Claude Marti, Jacme Gaudas, Bernard Cauhapé, Roland Pécout entre autres,
d'écrire des textes de chansons sur des thématiques que je leur ai proposées.
Nous avons fait également des adaptations en oc de chanteurs qui me séduisent
énormément, comme Allain Leprest. Je chante dans les quatre langues que je
parle, dans une ambiance musicale tango-jazz, avec Thierry Roques à l'accordéon
et au piano, Pierre Dayraud à la batterie, Pascal Celma à la basse et
la contrebasse, et Camille Raibaud à la guitare et au violon, qui apporte des
couleurs traditionnelles. C'est intéressant d'avoir des thématiques à défendre
avec des textes qui ont été "faits pour moi"! Ce sont des récits :
qu'est-ce aujourd'hui qu'un petit-fils d'immigrés espagnols, la diversité culturelle,
ces Pyrénées qui sont un lieu d'échange plutôt qu'une frontière ; et puis des
chansons d'amour... un tour de chant, quoi ! Un album sortira en janvier 2013.
Guillaume Lopez et Morgan Astruc - Las simples cosas |
J'ai également des spectacles avec Eric Fraj,
d'autres groupes de concerts, des groupes de bal, du théâtre, de la musique de
rue, que l'on peut trouver sur le site suivant : http://lecamom.com/
Je recherche aussi des groupes qui seraient plus
orientés vers le flamenco et la musique arabo-andalouse, pour que notre
catalogue soit plus en cohésion avec ce que je raconte !
Pourtant le flamenco fructifie à Toulouse,
peut-être plus que la musique arabo-andalouse...
Justement, dans la classe de musiques
traditionnelles récemment créée au Conservatoire à Rayonnement Régional de
Toulouse, il y a d'excellents musiciens en musique arabo-andalouse. En
flamenco, à Toulouse, il n'en manque pas ; pour en citer quelques-uns : Kiko
Ruiz, la famille Pradal ou Serge Lopez... c'est superbe de pouvoir entendre
autant de musiques ici.
Je n'arrive pas trop à savoir, car par rapport
à mon histoire, s'il y en avait un, ce serait peut-être le saxophone, mais je
le sors très peu, parce que j'ai des réflexes dont je n'arrive pas à me
débarrasser au niveau du son, au niveau de la musique classique, donc très peu
de gens acceptent que j'en joue. Le fifre est un instrument qui compte pour
moi, parce que je le présente dans le cadre du Diplôme d'Etudes Musicales au
CRR, mais en même temps je suis conscient de ses limites. La flûte traversière
me permet beaucoup plus de choses, et c'est le seul instrument avec lequel je
suis fier de mon son. Quant aux cornemuses, la boha (cornemuse gasconne)
me plaît beaucoup, mais c'est un instrument qui peut jouer seulement dans
certains contextes, le bal ou de temps en temps en concert ; c'est un
instrument diatonique lié à un certain répertoire, une certaine façon de jouer.
Finalement je suis de plus en plus chanteur sur mes projets.
Es-tu attiré par les instruments à anches comme
le graile (hautbois du Languedoc) ?
Oui, j'en joue aussi. Je joue de l'aboès
(hautbois du Couserans) en ré, et j'ai aussi un hautbois de Vailhourles en sol.
L'an dernier, j'ai été invité sur la scène et sur le dernier album des Ogres de
Barback. Ils m'avaient appelé justement pour ces couleurs-là, pour jouer de la
cornemuse et du hautbois, et pour chanter aussi. Je vois que des gens sont
attirés par ces instruments-là, qui ont une sonorité vraiment particulière,
même s'ils ne viennent pas du même milieu que nous.
Cela te met dans une attitude de création, car
il faut que tu t'adaptes à eux aussi ?
Oui, c'est un métier qui pousse à se remettre
en question en permanence.
Ces rencontres sont humainement passionnantes,
car ces musiciens ont une écoute "naïve" de l'instrument,
l'émerveillement est toujours là...
Ils n'ont aucun préjugé, et je me retrouve dans
la situation où j'étais quand j'ai découvert l'instrument.
Tu prépares le Diplôme d'Etudes Musicales en
musiques traditionnelles au CRR de Toulouse. Qu'est-ce que cela représente pour
toi ?
Guillaume Lopez en companhia |
Quelles sont tes activités en tant que
formateur ?
J'anime assez régulièrement des stages de
chant. Je me suis frotté à la pédagogie au COMDT lorsque Pascal Caumont est
parti à Tarbes en 2004. Je me suis occupé des
cours de chant, des cours de fifre et des cours de musique d'ensemble. C'est
ainsi que je me suis fait une petite méthode de transmission autour du chant.
Je travaille sur un répertoire de chants à danser des pays d'oc, de façon à
sensibiliser les gens au chant de groupe et de chœur, donc en chant à répondre
et en chant polyphonique. Nous abordons souvent l'improvisation et la
variation, et je favorise aussi le chant soliste, car on a tendance à se cacher
derrière les autres dans le chant en groupe. Depuis deux ans, je travaille
régulièrement avec le Centre de musiques traditionnelles de Saint-Flour, dans
le Cantal. Il y a une vingtaine de chanteurs, que je vois une fois par mois, et
nous avons monté un spectacle avec une mise en scène et des projections vidéos.
Mettre ainsi des amateurs sur scène leur permet de s'approprier un projet et de
se responsabiliser. Modestement, je transmets ma vision intime de la musique et
du chant occitans, c'est-à-dire enraciné mais avec quand même une certaine
modernité.
Modernité dans le sens d'ouverture, d'esprit de
recherche ?
Oui, et surtout avec la personnalité de chacun,
parce qu'il est important, même pour des amateurs, de prendre conscience que
nous ne sommes pas obligés de chanter pareil ! Les musiciens qui vous séduisent
en général sont ceux qui ont une personnalité. Par contre, certains musiciens
affirment inventer une nouvelle musique, c'est un discours très courant que je
ne comprends pas.
Pour moi aujourd'hui, il n'y a personne qui peut
avoir la prétention d'inventer autre chose que soi-même. On n'est pas tous des
Mozart, des Pat Méthény, mais on peut cultiver une personnalité musicale. Avec
Brotto-Lopez nous n'avons pas inventé le rondeau ni la scottish, mais nous
avons peut-être une façon différente de jouer ce répertoire, due à nos
personnalités musicales.
Ce qui compte, c'est le son, l'énergie,
l'émotion aussi.
Oui, c'est une question d'attitude, de don, et
d'honnêteté, c'est un terme que j'aime bien. La musique que j'essaie de jouer,
je fais en sorte qu'elle soit en accord avec mon histoire fondamentale, avec le
pays où je vis, avec les idées que j'ai, qui changeront car je suis
"petit" encore ! Je pense que c'est important d'avoir une cohésion
entre ce qu'on dit et ce qu'on propose sur scène.
L'authenticité c'est être soi-même, et non pas
représenter un modèle.
C'est pourquoi j'ai un peu de mal avec les
programmateurs qui font des commandes du genre : "Toi tu joues avec lui,
vous jouez avec untel, et vous nous faites une merveille ! " Cela donne
souvent n'importe quoi. Je pense que c'est plus le travail des artistes de se
regrouper entre eux. Il faut des affinités, des personnalités qui s'accordent
et se complètent, des choses à partager. Qu'est-ce qu'on a à se dire ?
On accepte certaines propositions aussi parce
qu'il faut bien travailler?
On se dit surtout que peut-être cela va être
bien ! Et heureusement parfois ça arrive, parfois même un programmateur sur ce
genre de commande peut te faire réaliser un vieux rêve...Mais il faut rester
vigilant, j'ai du mal avec les étiquettes, je n'ai pas envie d'être un
"chanteur oc", que chanteur oc, que joueur de fifre.
Les gens te voient dans un contexte et s'imaginent qu'ils ont tout compris de
ce que tu fais. Si on te voit jouer un jour une bourrée à la vielle, on va en
déduire que tu es joueur de bourrée à la vielle. C'est extrêmement réducteur.
Finalement, tu ne cherches à être que Guillaume
Lopez...