lundi 21 mai 2012

Toad - chronique CD

À l’écoute du deuxième album de Toad sorti en 2011, la première chose qui frappe est le travail effectué sur le son. Les musiciens de Toad (Yann Gourdon à la vielle à roue, Guilhem Lacroux à la guitare électrique et Pierre-Vincent Fortunier au violon et à la musette Béchonnet) s’emparent du son râpeux, plein et par moment dissonant qu’ils ont entendu dans les collectages d’Auvergne pour créer une musique à danser tendue, énergique et sauvage. Leurs instruments sont amplifiés afin d’intensifier les grincements et bruits des vielle à roue, cornemuse et violon et pour leur permettre d’agir directement sur le son par des effets tels que la distorsion ou le larsen. Ce second album, à l’instar du précédent, se sert donc des moyens techniques actuels pour produire un son directement inspiré de la musique traditionnelle.

On retrouve également la référence à celle-ci dans l’utilisation des instruments de la musique auvergnate et dans le respect des phrasés et des impulsions des danses. On peut apprécier notamment la présence d’une musette Béchonnet 11p et donc aiguë, le groupe prend ainsi le contre-pied de la tendance actuelle à privilégier les tonalités graves.
À noter aussi l’utilisation répétée de bourdons à la vielle à roue pour ouvrir les morceaux. Le dernier morceau de l’album s’offre même le luxe de onze minutes de bourdon aux couleurs changeantes.
   
Si le son de la musique de Toad emprunte beaucoup à la musique traditionnelle, il puise aussi dans le rock et son énergie. L’utilisation d’une guitare électrique souvent saturée y est pour beaucoup. La recherche d’effets planants favorisés par le caractère répétitif des mélodies traditionnelles évoque le psychédélisme de la fin des années 60. Celui-ci se retrouve également dans les couleurs vives et acidulées de la pochette de l’album.
Je ne peux aussi m’empêcher de faire un parallèle entre certains morceaux de l’album et le procédé utilisé par le Velvet Underground dans Heroin. On y entend la même volonté d’interpréter une mélodie bourdonnante et d’y distiller des sons grinçants et dissonants qui prennent de plus en plus de place et viennent perturber la répétitivité rassurante de la mélodie. Même s’il y a en plus dans la musique de Toad une « densification » du son, au fur et à mesure de l’avancée du morceau, par l’ajout et la superposition de multiples couches sonores.

Ainsi à l’image de la pochette naturaliste qui fait se côtoyer lapin et tigre, coq et langouste, cet album nous montre que ce qui semble en apparence incompatible, peut, en fait, être de même essence, appartenir au même écosystème.

Il faut signaler que ce travail d’analyse des collectages effectués par Toad et réinvesti dans la création d’une musique traditionnelle d’aujourd’hui est aussi celui d’un collectif et d’un label : la Nòvia. De celui-ci émanent plusieurs groupes à suivre : Duo Puech-Gourdon, La Clèda, Trio Puech-Gourdon-Brémaud, La Baracande.

Gwenaëlle Sarrat


Toad
La Nòvia, 2011

Pour en savoir plus :