Balayer le passé, le présent et le futur dans un seul CD est chose ambitieuse. L’équipe de l’Association pour les musiques de tradition populaire en Quercy (AMTPQ) ne semble pas effrayée par le projet.
Pour le passé et le présent, j’ai bien compris. Le passé s’évoque en référence à deux anciens, Gilbert Salanié et François-Maurice Lacoste. On entend même le premier qui, bien que disparu en 1983, va même jusqu’à s’associer aux musiciens d’aujourd’hui, grâce à la magie de l’enregistrement, l’espace d’un début de morceau, Dessul pont de Lion. Gilbert Salanié était de ces personnes détentrices d’un important répertoire et qui, au soir de leur vie, avaient eu l’idée de s’enregistrer, pour transmettre leur savoir… et l’on sait l’immense service qu’ils ont pu rendre, tout comme l’avaient fait par exemple les violoneux du Cézallier Savignat et Pécoil, en 1946 (voir Pastel n° 66). Natif de Marminiac, Salanié avait connu une enfance dans l’environnement de la ferme familiale. Plus tard, il s’était perfectionné à l’école normale, était devenu instituteur puis professeur. La guerre l’avait conduit à embrasser par la suite une carrière d’officier qui l’avait mené au Maroc, jusqu’à sa retraite en 1947. Enfin, il regagnait la vie de cultivateur jusqu’à sa mort, retourné dans son pays natal. À diverses reprises dans le CD, le vieux militaire-enseignant-agriculteur conte quelques épisodes de la vie paysanne d’autrefois, avec une élocution et un style certes très professoral et emphatique, mais passionnant et rempli de charme… ce qui donne envie d’aller traîner du côté de ces archives, consultables à la médiathèque du COMDT, ce dont ne s’est pas privé Rémi Geffroy au moins, accordéoniste et instigateur du projet au sein de l’AMTPQ.
François-Marie Lacoste est ici beaucoup plus discret : né à Bélaye en 1851, il avait assuré son ministère de curé d’Anglars-Juillac jusqu’à sa mort en 1924, tout en se consacrant à divers ouvrages dont un recueil de quelque six cents Vieux chants Quercynois achevé peu après la Grande Guerre. Si j’en crois la notice, il nous gratifie ici de quatre chants, repris par nos musiciens d’aujourd’hui… L’hier de ces deux aïeux se revivifie de l’aujourd’hui : ils optent parfois pour une interprétation pure et sans compromission, du vrai « trad », si l’on veut : ainsi opèrent Jaco Martès (qui aura une mention spéciale pour le beau regret qu’il nous offre sur sa cabrette), Christian Mage, Guilhem Boucher et leurs fifres.
À d’autres moments, on est dans une ambiance plus « contemporaine » dans la mesure où les musiciens optent pour une formule plus folk, notamment par l’intermédiaire d’un accordéon qui flirte ouvertement avec le musette, et se sent particulièrement à l’aise dans ces danses que Salanié qualifie de
« modernes », venues de l’Est : ce sont alors des rythmes de valse ou de mazurka, ou divers arrangements que l’on pourra juger assez passe-partout. Ainsi en est-il de l’essentiel de Dessul pont de Lion cité ci-dessus : à la belle déclamation de l’ancien succède une petite musique certes festive et joyeuse, mais d’une actualité qui serait plutôt celle des années 80 lors du renouveau du folk occitan. C’est « sympa », « mignon », mais franchement abrupt… Les chanteurs, eux aussi, oscillent entre les esthétiques, ajoutant par-ci, par-là, des contrechants simples. Mais que l’on soit d’accord ou non avec ces arrangements, il faut reconnaître qu’ils interprètent ces très beaux répertoires avec sincérité et sensibilité : cela peut suffire pour garantir leur bien-fondé. Quant à l’accordéoniste Rémi Geffroy, seul ou secondé de Cyrille Brotto, il fait toujours preuve d’un indéniable métier de musicien à danser, agrémentant son jeu de petites impros un peu jazzy, d’une actualité un peu plus récente dans le monde du folk.
« modernes », venues de l’Est : ce sont alors des rythmes de valse ou de mazurka, ou divers arrangements que l’on pourra juger assez passe-partout. Ainsi en est-il de l’essentiel de Dessul pont de Lion cité ci-dessus : à la belle déclamation de l’ancien succède une petite musique certes festive et joyeuse, mais d’une actualité qui serait plutôt celle des années 80 lors du renouveau du folk occitan. C’est « sympa », « mignon », mais franchement abrupt… Les chanteurs, eux aussi, oscillent entre les esthétiques, ajoutant par-ci, par-là, des contrechants simples. Mais que l’on soit d’accord ou non avec ces arrangements, il faut reconnaître qu’ils interprètent ces très beaux répertoires avec sincérité et sensibilité : cela peut suffire pour garantir leur bien-fondé. Quant à l’accordéoniste Rémi Geffroy, seul ou secondé de Cyrille Brotto, il fait toujours preuve d’un indéniable métier de musicien à danser, agrémentant son jeu de petites impros un peu jazzy, d’une actualité un peu plus récente dans le monde du folk.
Voilà pour le passé et le présent… mais l’avenir ? C’est toujours des musiques d’actualité que j’ai rencontrées avec deux pièces maîtresses de l’album, la Polka des Cadurques et Au bord de l’eau. La première nous permet de retrouver l’un des maîtres de l’AMTPQ, Xavier Vidal, dans un fulgurant solo de violon soutenu par l’accordéon, la vielle inépuisable de Bastien Fontanille, l’un des piliers de ce CD, et la percussion de Vincent Souriat. C’est au tour de Guillaume Roussilhe de se faire entendre dans l’autre pièce, au titre pas spécifiquement quercynois, dans une musique elle aussi plutôt impersonnelle, mais bien agréable à l’écoute… entre autres grâce à la présence du guitariste classique Régis Daniel. Le futur, je l’ai finalement trouvé dans le titre ultime, Non la dançarem pus, un peu effrayé au départ : Non la dançarem pus las borreias d’Auvernhes… ce triste avenir sera, heureusement, de courte durée. Les violons de la chanson sont cassés, mais on va les réparer : merci pour le message. Dançarem… si certains croyaient que la musique du Quercy était perdue, voilà une équipe qui l’a fort bien retrouvée !
Jean-Christophe Maillard
Dançarem, Musiques d’Olt d’hier, d’aujourd’hui et de demain
Musiciens traditionnels du Quercy
AMTPQ, 2012
AMTPQ, 2012
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