Ce CD n'est pas
pour moi une découverte, mais une confirmation. L'entretien que
j'avais eu avec Guillaume Lopez 1 m'avait déjà révélé un jeune artiste d'une grande maturité, autant
musicalement qu'humainement, si tant est que ces deux qualités
soient dissociables. Puis j'ai assisté au concert donné le 26 septembre au Mandala à Toulouse à l'occasion de la sortie de cet album, et il m'a paru
de toute évidence et de toute nécessité d'en dire quelques mots.
Car pour moi la véritable découverte s'est faite ce soir-là, je
veux parler de Guillaume en tant que chanteur, littéralement visité
par le duende, remontant
à la source vive de ses origines hispaniques, à travers une
histoire familiale commune à tant de réfugiés de la guerre civile,
et insufflant une énergie et une émotion nouvelles à ces chansons
apprises de son grand-père José Lopez, dont on entend la voix à la
mi-parcours de ce CD, comme un hommage à la mémoire de ces
innombrables personnes anonymes, à l'humanité transcendée par les
épreuves du combat et de l'exil.
En pleine Retirada,
ces chansons étaient sur toutes les lèvres, dans tous les
cœurs. Elles participaient autant de la variété que du flamenco,
et c'était ambitieux, voire périlleux, de reprendre ces coplas,
traitées à l'époque à la limite du kitsch, comme El emigrante
de Juanito Valderrama, ou Adios a España et
La hija de Juan Simon de
l'étourdissant Antonio Molina. Mais Guillaume Lopez ne s'arrête pas
là : il va puiser dans la profonde force poétique de cette langue,
avec les mots de son ami Eric Fraj dans Milonga del
destierro, de Federico Garcia
Lorca dans Baladilla de los tres rios,
et va porter son regard de l'autre côté de l'océan, avec Las
simples cosas et Soledad,
de l'immense chanteuse mexicaine Chavela Vargas, disparue en août
2012, avec Lagrimas negras
du cubain Miguel Matamoros, Nieblas del riachuelo
de l'auteur de tangos Enrique Cadicamo, sans oublier Volver
de Carlos Gardel et Alfredo le Pera, et enfin Si me quieres
escribir, célèbre chant de la
guerre civile. Avec une sobriété exemplaire, un chant généreux et
contenu, et avec des musiciens complices, également petit-fils de
réfugiés, Morgan Astruc à la guitare et Pascal Celma à la
contrebasse, prodigieux l'un et l'autre de sensibilité,
d'imagination et de précision, auxquels Guillaume mêle parfois
opportunément la chaleur de sa flûte inspirée, ce trio en or nous
emmène dans une histoire vraie, des choses simplement humaines, sans
fioritures ni effets inutiles. Cela s'appelle l'élégance.
Dominique
Regef
Las simples cosas
Guillaume Lopez : chant, flûte ; Morgan Astruc : guitare ; Pascal Celma : contrebasse
CAMOM, 2012
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