« Chansons
populaires mélodramatiques », est-il précisé sur le site de Du Bartàs … Mais sur un fond de « no future »,
Plantarem de pastèca, chanson hédoniste qui prône une décroissance
décomplexée, donne l’ambiance du disque : les chansons à la gloire du nectar de
Vitis vinifera et de la fête ne manquent pas, et une large place est
donnée à la voix et au parler cru… les désormais six protagonistes de ce groupe
ne se contentent pas d’être de sacrés instrumentistes… ils chantent tous.
Globalement,
cet enregistrement donne une impression sud-américaine (mais le charango
y est pour beaucoup) où, comme dans le disque précédent, les intonations
mondines1
sont très présentes… la nouveauté étant un apport arabo-andalou
bien venu !
La
chanson Adieu-siatz ma maire raconte le tirage au sort de la
conscription à l’époque napoléonienne : il est toujours intéressant - et
savoureux ! - pour moi, qui n’ai jamais entendu parler le languedocien que par
mes compatriotes2 et en particulier par les membres de ma famille, d’entendre
un chanteur maghrébin (ici Abdel Bousbiba) utiliser cette langue : elle se pare
tout d’un coup d’un ethos assez éloigné de nos campagnes… Le juron
« macarèl de dieu » prend un tout autre son ! (mais d’autres
se sont déjà essayés à la langue occitane également avec bonheur, comme Hayet
Ayad…).
Les
chansons aux accents contestataires côtoient les airs de fête, parfois
rassemblés en un, pour évoquer notamment ces réfugiés républicains espagnols
qui ont chanté toute la nuit quand « lo Franco a crebat enfin »
dans un quartier de Carcassonne…
Mais
l’œuvre est parfois inégale : des chansons (par exemple Quand on se retrouve)
très typées « variété » (ou pire : « chanson française » -
oui je sais je suis intraitable sur ce sujet) côtoient sans complexe de vraies
merveilles comme Louis Barthas - caporal tonnelièr pacifista, ou Es
contra ta pèl, dans lesquelles l’invention de Laurent Cavalié prend tout
son sens : arrangements intelligents, polyrythmie juxtaposée… encore
l’influence maghrébine en action !… sans parler de la langue qu’il manie avec
une certaine aisance. Mais pour moi ce qu’il a réussi dans ce disque (outre -
insistons là-dessus ! - d’accorder une belle place au violon alto de Bousbiba),
c’est de lier des chansons d’amour à des rythmes où on ne les attend pas
forcément : comment peut-on raisonnablement évoquer les premiers baisers d’une
rencontre, réputés fragiles, abandonnés… en une frénésie de tarentelle ?… pari
gagné, en faisant devenir chèvre…
Alem Alquier
Es contra ta pèl
Du Bartàs
Sirventes, L'autre distribution, 2012
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