Compte-rendu par Dominique Regef
Une phrase souvent entendue chez les
pratiquants de musiques traditionnelles :"On ne fait pas de la musique
de musée, nous !"...
Louable manifeste, qui affirme la musique non comme un acte de reconstitution illusoire et dogmatique
mais comme un acte de création permanente, incarné dans son temps.
L'authenticité se conjugue d'abord au présent.
Il est vrai qu'il y règne plus souvent
une austère solennité, où hier rime avec poussière, qu'une
célébration joyeuse de la vie ici-bas, hic et nunc !
Pourtant, si ces musiques "archaïques"
nous reviennent avec une telle force, c'est qu'elles nous parlent
d'aujourd'hui, précisément.
Pourquoi un musée ne pourrait en faire
autant ?
C'est sur cette réflexion essentielle
que Paul Macé, Christine Macé et leur équipe ont conçu un projet
absolument unique, repensant dans les grandes lignes comme dans les
moindres détails l'idée même du musée, de sa place dans la cité
et dans notre imaginaire.
L'imaginaire : mot-clé, clé de voûte,
autour duquel se sont rencontrés des savoirs et des compétences de
premier ordre, de l'architecture à la décoration, de la gestion des
ressources à la transmission, de la mise en scène à l'exploitation
inspirée des images et des sons.
Lorsqu'on pénètre dans ce lieu d'un
nouveau type, une étrange sensation nous envahit : un émerveillement
immédiat qui nous entraîne dans une légèreté vagabonde, où
chacun peut à sa guise trouver son propre rythme, sa propre lecture,
sa propre rêverie. Nul besoin d'être un "spécialiste"
pour se sentir à l'aise dans ce sanctuaire aux multiples fenêtres.
Rien n'est asséné, tout est suggéré. Ici nous sommes conviés à
l'intelligence des sens, dans une déambulation poétique à la
découverte de nous-mêmes : "Le chemin vers soi passe par les
autres" peut-on lire en substance dans le dossier de presse.
Le clair-obscur des salles nous met en
intimité avec des objets qui ne sont ni alignés comme dans un
catalogue, ni mis en scène de façon folklorique, mais ordonnés
comme une partition musicale, dans des vitrines qui sont de
véritables œuvres
plastiques, où les jeux subtils de lumières magnifient les
instruments dans leur nudité et leur plénitude. La contemplation
opère alors à plusieurs niveaux, du survol d'ensemble au zoom sur
tel détail, relayée çà et là par de courts textes d'une grande
densité humaine aiguisant notre esprit et notre regard, des vidéos
qui contribuent à la rencontre des peuples et des personnes, tandis
que, en filigrane, des sons venus d'ailleurs, mais si proches,
murmurent à nos oreilles, réveillant une mémoire enfouie au fond
de nous. Ainsi nous traçons la route, de climat en climat, de pays
en pays, de continent en continent, dans une géographie humaine dont
nous percevons toutes les déclinaisons.
On en ressort comme augmenté,
transformé, et nul doute que si on y retourne, notre voyage
s'enrichira d'autres couleurs, d'autres perspectives.
MúSIC se définit aussi comme un lieu
vivant de diffusion, de création et de transmission, grâce au
département Spectacle vivant, ouvert aux rencontres et aux
croisements des esthétiques, en lien avec les espaces d'exposition.
Un amphithéâtre en plein air et une grande salle actuellement en
construction en font un pôle-phare dans la région.
Le département Recherche et Ressource
est un outil remarquable d'exploitation et d'information, tourné
vers l'accueil des chercheurs, artistes, facteurs d'instruments,
ainsi qu'un outil pédagogique pour tous les publics.
Vous l'avez compris, ce musée est un
contre-pied : s'il délivre du savoir - et quel savoir ! - c'est en
prime. Le plaisir que l'on éprouve à se perdre dans ses
circonvolutions riches et dépouillées ne se raconte pas.
Allez à Céret. C'est en plus un
magnifique village. Et si les musées vous rebutent, vous risquez
d'être surpris !
