vendredi 22 mars 2013

Una musica redonda


compte-rendu par Alem Alquier

Palancas, création
Viatge en musicas e dansas entre Tolosa e Triana
Un spectacle d’Alem Surre-Garcia et Guillaume Lopez créé le samedi 2 février 2013 au COMDT



Guillaume Lopez et Maël Goldwaser
Le spectacle commence avec une présentation d’Alem Surre-Garcia ; il s’agit en fait d’un « avant-propos imagé », exposition de cousinage (ou de filiation ?) entre l’Andalousie et l’Occitanie, entre Séville et Toulouse, leur histoire, leurs personnalités notoires, leur architecture… jusqu’à la morphologie urbaine (le fleuve dessinant soit le quartier Triana soit le quartier Saint-Cyprien). Diaporama à l’appui, il s’attache à nomenclaturer les ressemblances frappantes, comme pour questionner une coïncidence traquée en amont, depuis des temps d’avant la Reconquista jusqu’à nos jours…
Seuls des enfants d’immigrés ibères (et assimilés depuis si longtemps à la culture occitane) comme A. Surre-Garcia et G. Lopez pouvaient produire un tel spectacle. C’est l’histoire d’une rencontre, simple, très simple même, au point de n’être qu’un prétexte à une expression pure de poésie, de musique et de danse 1. C’est l’histoire d’une passion amoureuse, peut-être entre individus (incarnés tour à tour par Guillaume Lopez et par le danseur Nicolas Bourdeix d’une part, et par la chanteuse-danseuse Paloma Pradal et par le guitariste flamenco Maël Goldwaser d’autre part), sûrement entre deux pays, deux cultures… Et comme dans toute histoire d’amour, la narration est constituée de questionnements, de contiguïté, de distanciations… On en retiendra une belle performance d’artistes : la jeune Paloma Pradal danse peu, mais avec suffisamment de maturité et de couleur pour captiver le spectateur. Son cante est affirmé 2, et sa voix vous fait brusquement basculer dans l’irréel… Le (non moins jeune) Nicolas Bourdeix nous démontre avec aisance que la danse occitane est tout à fait capable de sortir des bals trad (ou du folklore endimanché) pour se retrouver sur scène, à livrer une expression riche, sensuelle, inédite (les passages de danse en couple comportent néanmoins des longueurs, mais il s’agit là de servir une narration…). Le guitariste Maël Goldwaser fait montre de métier et d’un son maîtrisé jusqu’à l’harmonique, et c’est d’autant plus remarquable que son apprentissage (avec Vicente Pradal, le père de Paloma) est relativement récent.
Guillaume Lopez et Nicolas Bourdeix
Quant à Guillaume Lopez, comme à son habitude, il brille par ses multiples talents : en premier lieu rassembleur d’autres talents, et bien sûr chanteur, musicien, compositeur… Chaque nouveau spectacle, nouveau « concept », lui procure un supplément d’art.
Les « contiguïtés », les « points communs » passent bien sûr par cette musique « ronde » (et puisqu’on peut s’exprimer pour une fois en castillan et en occitan confondus, una musica redonda…) parce que très souvent ternaire : de la buleria à la bourrée il n’y a que quelques appuis ténus.
Toutes ces « passerelles » sont comme une évidence au final, que ce soit par les thèmes évoqués dans les textes d’Alem Surre-Garcia, ou tout simplement dans l’allant général de ce spectacle, qui nous enseigne une sorte d’universalité séculaire par-delà des Pyrénées… chaîne montagneuse qui, assure A. Surre-Garcia depuis toujours, n’a de frontière que le nom.

Pour en savoir plus sur les projets du CAMOM :
www.lecamom.com


1 A. Surre-Garcia est l’auteur de nombre de textes poétiques parsemant le spectacle, qui est aussi constitué de quelques hommages à Lorca, de compositions de G. Lopez, de M. Goldwaser…
2 … et, pourrait-on dire, traditionnel, jusqu’à l’occlusion des voyelles finales si caractéristique en fin de vers : « Triana- a - ou »… ce phénomène me frappe toujours, peut-être parce que je n’y connais pas grand-chose en matière de flamenco, mais le son et la langue interpellent…